interview with AGEFI

Endeavour Vision Founding Partners Damien Tappy and Bernard Vogel spoke to AGEFI about the next fund and the firm’s investment approach. Read the article from AGEFI here

Medtech: Endeavour Vision accélère ses investissements en Suisse et aux USA

Basée à Genève, Endeavour Vision va lancer son second fonds medtech ces prochains mois. Ce fonds sera parmi les plus grands au niveau mondial. Les investissements se monteront à 20 et 30 millions par entreprise, pour un total de 12 à 15 sociétés.

La stratégie d’Endeavour Vision, capital-risqueur genevois parmi les leaders européens spécialisés dans les technologies médicales (medtech), se renforce avec le lancement d’un nouveau fonds medtech dans les prochains mois. Après celui clôturé en mars 2016, dans lequel 250 millions d’euros avaient été levés, soit à ce moment le plus gros fonds européen dédié au medtech, ce deuxième fonds devrait atteindre un montant nettement supérieur, d’après nos informations.

Un montant qui placerait la société genevoise une nouvelle fois aux firmaments des capital-risqueurs, et qui justifierait son choix de se focaliser uniquement les technologies médicales. Ainsi, ce n’est que depuis 2013 qu’Endeavour Vision s’est spécialisée exclusivement dans l’investissement dans ces entreprises innovantes des technologies médicales (medtech). Dans un marché mondial compris entre 300 et 400 milliards, avec une croissance de l’ordre de 5 à 6%, Endeavour Vision investit dans les technologies et entreprises susceptibles de figurer parmi les trois meilleures au monde dans leur domaine thérapeutique. Sur le sol suisse, l’entreprise était entre autres un investisseur historique du vaudois Symetis, qui a été racheté par le groupe américain Boston Scientific en 2017 pour la somme de 435 millions de dollars. Elle a également soutenu financièrement Sophia Genetics, Medartis, CeQur ou encore Polares Medical.

Damien Tappy, président et co-fondateur d’Endeavour Vision, et Bernard Vogel, partenaire et co-fondateur de la société, partagent leur vision du secteur et le développement des investissements. Entretien.

Initialement, Endeavour Vision était investi dans plusieurs secteurs : l’IT, la biotech et la medtech. Vous vous êtes par la suite focalisé dans les technologies médicales, avec un fonds record levé en 2016 de 250 millions d’euros. Comment justifier ce revirement stratégique?

Bernard Vogel : Dans le monde des VC, ce qui est important c’est de devenir un investisseur de référence susceptible de faire les meilleurs investissements dans son secteur. Notre décision de spécialisation repose sur plusieurs piliers: une large équipe internationale spécialisée et dédiée, une connaissance du marché approfondie et une expérience opérationnelle adaptée. Contrairement à la biotech, les investissement dans le medtech ne font pas un pari futur sur la science, mais dans l’application de technologies sur des patients. Il faut regarder ces deux secteurs très différemment. La biotech est cyclique et plus risquée, avec des succès statistiquement peu fréquents mais avec de gros multiples. Le financement se fait très en amont, car les études cliniques nécessitent beaucoup de temps et sont très coûteuses. On vend un espoir au départ… Bien sûr, il y a des gains potentiels très importants, mais aussi de gros risques. Les medtech sont différentes, plus prédictibles : on ne fera probablement pas des multiples semblables, mais les risques sont plus faibles et les croissances plus prévisibles et stables.
Damien Tappy : De plus, le secteur est plus encadré depuis la fin des années 2000, par exemple pour les essais cliniques. Les technologies dans lesquelles nous investissons doivent adresser un marché potentiel global suffisamment grand, de l’ordre d’un milliard de dollars minimum à terme. Les segments visés sont ceux où il n’existe pas encore de solution capable de répondre à un besoin médical, un «unmet medical need». Nous cherchons donc à investir chez des futurs leaders, en particulier ceux susceptibles d’introduire un changement de paradigme dans l’offre de soins, pour les accompagner à accélérer leur croissance.

Dans l’Agefi, vous aviez parlé d’un nouveau fonds qui devait voir le jour pour la fin 2018. Qu’en est-il aujourd’hui? Quand allez-vous l’annoncer?

B.V : Le processus est engagé et nous sommes ravis de l’important soutien dont nous bénéficions de la part des investisseurs. En conséquence, ce nouveau fond sera d’une taille supérieure au fonds de 2016 (NDLR : 250 millions d’euros). Cela sera clairement l’un des plus gros fonds medtech dans le monde.

Hormis la taille, quelles autres différences par rapport en 2016?

B.V : Nous ambitionnons de renouveler le succès du fonds précédent, en visant les mêmes objectifs – investir dans des sociétés medtech innovantes qui améliorent les pratiques médicales en phase de commercialisation. Nous allons simplement intensifier notre action en augmentant les montants investis dans chaque société. De 15 à 20 millions de dollars investis par société dans le premier fonds, nous allons monter à 20 et 30 millions de dollars, sur 12 à 15 sociétés. Les cibles restent identiques. Les critères d’investissement aussi. L’idée est d’effectuer 3 à 4 investissements par année et d’accompagner ces sociétés en tant que lead investor.

Qui participera à ce fonds? Quel est le profil des investisseurs?

B.V : De manière générale, les investisseurs sont surtout des fonds de pension, des family offices et des banques. La majorité est européenne, notamment britannique. Contrairement aux caisses de pensions suisses, les fonds de pension britanniques sont en effet plus habitués à investir dans le capital-risque. Nous comptons bien évidemment aussi des investisseurs américains.

Une évaluation stricte pour devenir une référence mondiale dans l’investissement medtech
Revenons à votre stratégie. Comment se passe la sélection des medtech ? Quels critères regardez-vous avant tout?

D.T : Notre objectif est de trouver des technologies et des entreprises dont nous sommes convaincus qu’elles peuvent figurer parmi les trois meilleures au monde dans leur domaine. Deux autres critères sont essentiels : que cette technologie améliore la vie du patient et qu’elle soit très compétitive économiquement, car les coûts de la santé sont une préoccupation pour tous. Globalement, le marché mondial des medtech est en croissance de 5% par an, mais c’est un secteur très vaste, qui comprend autant des technologies de pointe, comme des produits plus usuels, tels les lits d’hôpitaux. Nous nous concentrons sur des secteurs et des entreprises qui ont une croissance de 20% par an, voire plus.
Autre aspect important, nous investissons sur les sociétés late-stage, qui ont déjà le marquage CE ou FDA, ainsi que le remboursement du produit par les assurances dans les maladies telles que le diabète, les maladies cardio-vasculaires, l’orthopédie, les maladies respiratoires et qui cherchent des fonds pour se développer commercialement. En effet, nous cherchons des sociétés, qui améliorent significativement le résultat clinique des patients tout en réduisant les coûts de la santé. Tout ce qui est lié au chronic care non invasive nous intéresse, par exemple. Nous aimons investir dans des sociétés dirigées par des entrepreneurs qui n’en sont pas à leur premier essai. Nous étudions environ 400 opportunités par an, et investissons dans 3 à 4 sociétés par année.

Malgré vos critères stricts, des erreurs peuvent être possibles. Quelles sont-elles et comment les éviter?

D.T : L’erreur fait partie du jeu. Cela dit, sur les 19 investissements medtech que nous avons effectués, nous ne recensons à ce jour un taux d’échec de l’ordre de 5%, ce qui est une performance dans le secteur. Vous savez, avant d’investir dans une société, nous misons sur des personnes. Attention donc au pari humain. Il est fondamental de bien choisir les entrepreneurs sur lesquels nous investissons et de les accompagner dans toutes les phases de leur croissance, spécialement dans les moments difficiles. Attention également à ne pas sous-estimer l’importance de l’obtention du remboursement, qui joue un rôle clé dans le succès des entreprises de ce secteur. La prédictibilité du remboursement est fondamentale. Les «health economics», ou l’impact économique d’un nouveau traitement, sont un critère capital dans un environnement où les budgets des gouvernements et des assureurs sont sous pression, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Attention finalement à bien estimer le temps nécessaire pour passer du prototype à la commercialisation; un delta de 5 ans est lourd de conséquences dans ce domaine. A ceci on ajoutera la nécessaire prudence dans la sélection de co-investisseurs.

Malgré quelques opérations en Suisse, la majorité de vos investissements sont dirigés vers les Etats-Unis, en particulier en Californie. Pour preuve, sur vos 12 derniers deals, neuf étaient dirigés vers le marché américain, contre trois pour le marché suisse. Pourquoi?

D.T : Actuellement, 60% des deals potentiels se trouvent au Etats-Unis et 40% en Europe, nos investissements reflètent en partie la tendance de marché. N’ayons pas peur de le dire : il y a de véritables pépites en Suisse et des leaders mondiaux: Sophia Genetics, Medartis, Symetis ou Polares Medical entre autres. En soi, il faut dire haut et fort qu’en Suisse nous avons des sociétés de croissance, des bijoux technologiques, des leaders mondiaux et des investisseurs de qualité. Les VC américains avec lesquels nous travaillons sont surpris par la qualité des deals ici. Contrairement aux idées reçues, la Suisse offre des coûts compétitifs dans des technologies de pointe. Avec un savoir-faire pour optimiser les processus de production, il est possible d’être compétitif en Suisse. Le potentiel est bien plus grand qu’on imagine.

Doit-on s’attendre alors à davantage de deals ici de votre part à court terme?

D.T : L’essentiel pour nous est que les entreprises aient développé la meilleure technologie pour le problème médical à résoudre, indépendamment de leur localisation. La Suisse possède d’un environnement particulièrement stimulant. Il repose en effet sur les principaux atouts qui lui sont généralement reconnus : outre le contexte porteur en matière d’innovation, l’accès facilité à une main-d’œuvre fortement qualifiée et une recherche universitaire de premier plan contribuent à une dynamique qui n’est pas démentie. Selon moi, la Health Valley romande n’en est qu’au début de son succès. Je suis convaincu que des pépites naîtront dans la région. Nous gardons évidemment un œil dessus.

La Suisse se positionne en leader dans le développement des medtech

En technique médicale, la Suisse a pris une position de leader en comparaison internationale. Dans aucun autre pays du monde, la technique médicale ne contribue autant au PIB qu’en Suisse. En chiffres, le secteur représente aujourd’hui 2,3% du PIB, pour 11,3 milliards d’exportations et près de 60.000 emplois via 1400 sociétés.

Le pays occupe d’ailleurs aussi la première place en termes de pourcentage d’emploi dans le secteur rapporté à la population totale – avant l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Conjuguant des sites de recherche de première classe, un savoir-faire en technologies de précision et un secteur de la santé très développé qui demande des produits en conséquence, la Suisse est un site très attrayant pour la recherche, le développement et la production dans le secteur des medtech.
D’un autre côté, la Suisse est l’un des pays qui connaît les dépenses de santé les plus élevées par habitant, ce qui en fait un débouché attractif pour les fabricants de dispositifs médicaux. La rapidité et la simplicité du remboursement des médicaments par les assurances sociales contribuent également à la solidité du marché intérieur.

Pour ce qui est de la croissance du secteur des technologies médicales, elle reste stable depuis plusieurs années. La croissance la plus forte est attendue sur les marchés américain, allemand, suisse et chinois dans les années à venir.