Bilan

Endeavour Vision launched Europe’s largest medical technology fund (medtech) in 2016 from Geneva. A second should follow in the coming months. An interview with its president and co-founder, Damien Tappy.

Endeavour Vision a lancé le plus gros fonds européen dédié aux technologies médicales (medtech) en 2016 depuis Genève. Un second devrait suivre dans les mois à venir. Rencontre avec son président et co-fondateur.

“Notre objectif est de trouver des technologies et des entreprises dont nous sommes convaincus qu’elles peuvent figurer parmi les trois meilleures au monde.”

Sophia Genetics, Medartis, Symetis ou encore Polares Medical, ces noms ne vous disent peut-être rien. Ce sont pourtant des leaders mondiaux dans leurs domaines. Vous portez peut-être même leurs technologies sans le savoir : valves cardiaques et autres broches en métal pour soigner des fractures font partie de leur univers.

La société genevoise Endeavour Vision s’est spécialisée dans l’investissement dans ces entreprises innovantes des technologies médicales (medtech), un secteur qui en Suisse compte plus de 50.000 emplois à travers 1400 sociétés. Son président et co-fondateur, Damien Tappy, partage sa vision du secteur et le développement des investissements.

Endeavour Vision a lancé le plus gros fonds medtech européen en 2016, avec 250 millions d’euros. Où en est-on dans le processus d’investissement ?
Nous avions pour objectif d’investir ce capital dans une douzaine de sociétés. Nous sommes aujourd’hui à onze et en avons identifié encore quatre, donc nous avons le choix. Nous faisons partie des trois plus gros acteurs en Europe et nos performances s’inscrivent dans celles des meilleurs fonds medtech au niveau mondial. Historiquement, notre durée d’investissement moyenne dans ces entreprises est de presque cinq ans. Avec aujourd’hui une douzaine de personnes dédiées au medtech, nous avons toutes les compétences nécessaires pour un second fonds, qui sera d’ailleurs lancé fin 2018/début 2019.

Toujours sur les medtech ? Quel est l’objectif pour ce second fonds ?
Oui en effet toujours sur les medtech. Nous sommes devenus de plus en plus performants pour la sélection d’entreprises dans ce secteur et nous attirons toujours plus de bons dossiers et d’investisseurs, c’est un cercle vertueux. Nous sommes aujourd’hui dans une situation idéale, avec des investisseurs motivés, d’excellents dossiers devant nous et un pipeline excellent. Il y a donc encore beaucoup d’opportunités. Au niveau des montants, la taille visée pour ce second fonds medtech sera similaire au premier, voire plus, vu la demande des investisseurs.

Dans la liste de vos investissements, deux mots reviennent régulièrement : « minimally invasive » et « device ». Des axes prioritaires ?
Ce sont deux axes importants en effet, mais ce ne sont pas les seuls. Globalement, nous nous intéressons à toutes les technologies médicales et ne nous interdisons aucun secteur, qu’il s’agisse de la cardiologie, du diabète, mais aussi de l’obésité ou de l’orthopédie. En ce qui concerne les medtech dédiées à la chirurgie non invasive, c’est une tendance forte car ces procédés réduisent non seulement les coûts mais améliorent également la vie du patient. En cardiologie par exemple, même si une opération à cœur ouvert fonctionne en général très bien sur des personnes en bonne santé, cela s’avère beaucoup plus complexe, voire impossible, sur certains patients fragiles, âgés ou atteint de certaines pathologies. La chirurgie non invasive est alors préconisée. De plus, comme le terme l’indique, ce type de chirurgie engendre beaucoup moins de complications potentielles, avec des interventions de quelques minutes, contre plusieurs heures pour une opération à cœur ouvert. Ainsi, la durée d’hospitalisation est en général de deux-trois jours, contre environ trois semaines. Pour les « devices », il s’agit d’investir dans des technologies qui améliorent la vie du patient, par exemple pour surveiller en temps réel des indicateurs de santé et/ou pour délivrer un médicament de manière optimale, comme de l’insuline pour les diabétiques. C’est ce que fait CeQur par exemple, dans lequel nous avons investi.

Quelle est votre stratégie d’investissement et comment choisissez-vous les entreprises ?
Notre objectif est de trouver des technologies et des entreprises dont nous sommes convaincus qu’elles peuvent figurer parmi les trois meilleures au monde. Deux autres critères sont essentiels : que cette technologie améliore la vie du patient et qu’elle soit très compétitive, car les coûts de la santé sont une préoccupation pour tous. Globalement, le marché mondial des medtech est en croissance de 5% par an, mais c’est un secteur très vaste, qui comprend autant des technologies de pointe, comme des produits plus usuels, tels les lits d’hôpitaux. Nous nous concentrons sur des secteurs et des entreprises qui ont une croissance de 20% par an, voire plus. Symetis a par exemple systématiquement connu une croissance de 50% par an

Justement, Endeavour est un investisseur historique de Symetis, racheté l’an dernier par l’américain Boston Scientific, qui a décidé d’investir sur le site d’Ecublens, dont l’effectif devrait augmenter. Est-ce un reflet des atouts de la Suisse ?

En effet, les équipes de Boston Scientific ont été impressionnées par la qualité délivrée et l’optimisation des processus. Ils ont donc décidé de conserver le site de production vaudois et de le renforcer. C’est aussi un reflet des très bonnes performances de cette entreprise.

Grâce à quel facteur en particulier?
C’est un ensemble d’éléments, qui va de la qualité du personnel à des processus très étudiés, en passant par la capacité d’innovation. Quand on parle de compétitivité, il ne faut pas juste regarder les coûts, mais ce que l’on arrive à produire comme valeur. En l’occurrence, Symetis parvient à dégager une excellente marge, il n’y a donc aucune raison de délocaliser.

Endeavour vient aussi de réaliser un nouvel investissement dans Polares Medical, spin-off de Symetis. Quelles sont les perspectives pour cette entreprise?
Pour rappel, Boston Scientific était essentiellement intéressé par le domaine des valves aortiques (ndr : l’une des principales valves du cœur) et Symetis avait également commencé à développer un projet pour une valve mitrale, mais encore trop à l’état de rechercher pour Boston Scientific. Il a donc été décidé d’en faire un spin-off, sous le nom de Polares Medical. Les pathologies d’insuffisance aortique sont relativement simples à opérer mais beaucoup plus difficile sur les valves mitrales. Nous attendions le résultat des premiers tests sur les animaux avant d’investir, et ils sont bien au-dessus de nos attentes, ce pourquoi nous avons participé à cette levée de fonds de 25 millions de francs, dans laquelle Endeavour est le deuxième plus grand investisseur. Les tests commenceront sur l’homme en 2019 et nous sommes convaincus que cette technologie a beaucoup de potentiel.

Aujourd’hui, la majorité de vos investissements sont dirigés vers les Etats-Unis, en particulier en Californie, et le reste en Suisse. Est-ce qu’il y a une chance pour que la proportion s’inverse ?
Actuellement, 60% des deals potentiels se trouvent au Etats-Unis et 40% en Europe, nos investissements reflètent donc la tendance de marché. L’essentiel pour nous est que les entreprises soient prometteuses et innovantes. Et il y en a naturellement en Suisse bien sûr ! Imaginez que Symetis est devenu le numéro 3 européen, alors que d’autres entreprises avaient commencé sur ce segment 10 ans avant elle. Nous avons aussi en Suisse des numéros un mondiaux, comme Straumann pour les implants dentaires. Je citerais aussi Medartis, qui fabrique une grande gamme de plaques très abouties pour soigner les fractures par exemple. Ils ont déposé plus de 100 brevets et ont réussi à s’imposer comme leaders, notamment pour les éléments destinés aux extrémités comme la main ou le pied, grâce à leurs technologies innovantes.

Vous êtes très positif sur les atouts de la Suisse. Si vous deviez citer des inconvénients quels seraient-ils?
Un des principaux inconvénient est probablement que les Suisses n’envisagent pas toujours facilement leurs entreprises au niveau de leader européen ou mondial, alors que beaucoup d’entre elles peuvent le devenir, comme celles que je viens d’évoquer. Il y a également trop peu d’introductions en bourse (IPO) de ce secteur en Suisse, certains disant qu’il n’est pas adapté, lui préférant les places boursières européennes ou américaines. Nous avons prouvé le contraire avec l’IPO de Medartis sur Six en mars dernier, qui a été très largement sursouscrite, avec un titre en hausse importante depuis. C’est important car la cotation en bourse locale permet à des investisseurs institutionnels, comme les caisses de pensions, d’investir plus facilement dans ces entreprises suisses innovantes. Surtout que les critères de rendements sont là.

D’un point de vue plus général, pensez-vous que l’accent a été trop mis sur les biotech et pas assez sur la medtech?
Il faut regarder ces deux secteurs très différemment. La biotech est très cyclique et plus risquée, avec environ 10% à 20% maximum de succès seulement. Le financement se fait très en amont car les études cliniques nécessitent beaucoup de temps et sont très coûteuses. On vend un espoir au départ… Bien sûr, il y a des gains potentiels très importants, mais aussi de gros risques. Les medtech sont totalement différentes : on ne fera jamais des multiples semblables, mais les risques sont beaucoup plus faibles et les croissances beaucoup plus prévisibles et stables. De plus, le secteur est plus encadré depuis la fin des années 2000, par exemple pour les essais cliniques. Nous n’avons jamais perdu un seul franc à ce jour en investissant dans les medtech, c’est pour cela que nous nous sommes concentrés sur ce secteur ces dernières années.

Avant de co-fonder Endeavour en 2000, vous avez lancé et dirigé le programme d’incubateur de start-up et spin-off de l’EPFL. Quel regard portez-vous sur l’évolution des 20 dernières années?
Le chemin parcouru est impressionnant ! Je remarque en particulier une grande professionnalisation dans les start-up et l’écosystème d’innovation en général. Je suis même assez bluffé par certains entrepreneurs, qui n’ont rien à envier aux entrepreneurs américains. Il y en avait beaucoup moins il y a vingt ans. De surcroit, le fait que ces entreprises attirent de plus en plus les investisseurs et capitaux étrangers est un bon indicateur de cette attractivité. Evidemment, nous suivons régulièrement tout le pipeline des jeunes sociétés innovantes et il y a des pépites dans lesquelles nous investirons probablement dans le futur.

Marjorie Thery, www.bilan.ch